Des pénalités de retard à hauteur de 66% du marché public, c'est trop.

Le principe : les pénalités de retard prévues par les clauses du marché public répare forfaitairement le préjudice susceptible d’être causé à l’acheteur en raison de l’inexécution du contrat (comme des retards).

Ces pénalités, prévues au contrat, sont applicables :

☑️ en cas d’inexécution des obligations contractuelles,

☑️ même si la personne publique n’a subi aucun préjudice,

☑️ même si le montant des pénalités mises à la charge de l’entreprise est supérieur au préjudice subi

En cas de litige, c’est là que le juge administratif entre en jeu :

📖 Il doit appliquer les clauses du contrat,

📉 Si on le lui demande, il peut modérer les pénalités si elles atteignent un montant manifestement excessif,

📈 Si on le lui demande, il peut les augmenter si elles atteignent un montant dérisoire.

Comment en juger ?

👉 le montant du marché,

👉 les recettes prévisionnelles de la concession,

👉 les subventions versées par l’autorité concédante,

👉 la gravité de l’inexécution constatée,

👉 les pratiques observées pour des contrats comparables.

Le caractère excessif repose sur la démonstration du titulaire. Cette démonstration peut être réalisée vis-à-vis de marchés comparables.

Il en résulte que les arguments suivants du titulaire ne sont pas pris en compte par le juge

  • L’acheteur n’a pas eu de préjudice puisque le chantier a finalement été livré à temps (TA Limoges, 4 mai 2023, n°1901988) ; 
  • Le montant des pénalités représenterait 89 % du résultat annuel de la société (CAA Marseille, 17 avril 2023, n°21MA02261) ;
  • Le Maître d’ouvrage, informé du retard, n’a pas mis en demeure l’entreprise de terminer les travaux (CAA Marseille, 20 mars 2023, n°20MA03605)
  • Le titulaire a rencontré des difficultés économiques du fait de la crise sanitaire (TA Paris, 15 mai 2023, n°2125946).
  • Le caractère « modique » des travaux impactés (CAA Paris, 17 mars 2023, n°20PA01427).
  • La circonstance que la marge de la société est très faible, et qu’en cas de maintien des pénalités la commande litigieuse sera réalisée à perte (TA Versailles, 14 mars 2023, n°2100541)
  • La circonstance que le taux de rentabilité interne opérationnel du projet est faible comparé à celui du secteur d’activité (TA Toulouse, 07 juin 2023, n°2101442). 

Ne sont pas considérées comme excessives pour le juge administratif – dès lors que le titulaire ne démontre pas que les pénalités seraient excessives eu égard aux pratiques sur des marchés comparables – des pénalités de :

  • 17 % du montant du marché (TA Paris, 06/02/23, n°2101552) ;
  • 22 % (CAA Douai, 28/03/23, n°21DA01791);
  • 6 %  (CAA Paris, 17/03/23, n° 20PA01427) ;
  • 42 % (CAA Nantes, 02/06/23, n°22NT00335) ;
  • 51,28 % (CAA Douai, 06/06/23, n°22DA01211) ; 
  • + de 80 %, eut égard, notamment au préjudice de l’acheteur, des carences importantes du titulaire, et de son obligation de résultat (CAA Bordeaux, 19 octobre 2022, n°20BX02818) ;
  • des pénalités à un niveau de 26 % du montant du marché n’étaient pas excessives (CE, 20 juin 2016, n° 376235, Sté Eurovia Haute-NormandieJurisData n° 2016-012098 ; Lebon T., p. 837 ; Contrats-Marchés publ. 2016, comm. 199, note J.-P. Pietri)

À l’inverse, sont excessives des pénalités de 25 % du montant hors taxes du bon de commande en litige, dès lors que le titulaire a démontré que la clause relative aux pénalités de retard n’était pas habituelle dans les marchés comparables (TA Bordeaux, 3 mai 2023, n°2101983)

Récemment, dans un arrêt du 12 novembre 2024, la CAA de Marseille :

⛔ a jugé excessives des pénalités de retards représentant 66 % du montant total du marché sur trois ans,

📉 les a ramenées à 6 % du montant total du marché.

Cette jurisprudence est donc à ajouter à la liste des décisions aux termes desquelles les juges ont fait application de leur pouvoir de modération compte tenu de pénalités jugées excessives.

CAA Marseille, 6ème chambre, 12 novembre 2024, n°24MA00115

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