Reprise du personnel : quelles informations faut-il transmettre à l'acheteur ?

Si le marché public ou le contrat de délégation de service public implique un transfert d’activité, la Collectivité publique est contrainte d’informer l’ensemble des candidats sur la masse salariale à reprendre, son coût et son évolution, impliquant, pour l’opérateur économique « sortant », une obligation de transmission des informations relatives au personnel.

reprise du personnel

Le Code du travail prévoit la reprise du personnel

Que ce soit dans le cadre d’une délégation de service public, d’un marché public, ou de manière moins régulière d’une convention d’objectifs et de moyens, la reprise des personnels de l’ancien exploitant, est prévue par l’article L.1224-1 du Code du travail.

L’article L.1224-1 du Code du travail prévoit que :

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

La continuation des contrats de travail s’opère dès lors que l’on peut vérifier :

  • l’existence d’une entité économique autonome,
  • conservant son identité et
  • dont l’activité est poursuivie.

Constitue une entité économique « un ensemble organisé de personnes avec des moyens inhérents à une activité économique poursuivant un objectif propre » (Cass soc., 7 juillet 1998, n°96-21.451).

Concernant « l’ensemble organisé de personnes », il convient de vérifier si des salariés sont spécialement affectés par le précédent exploitant à l’exercice de l’activité en cause.

Concernant « les moyens inhérents à l’activité », il peut s’agir d’éléments immobiliers ou mobiliers, corporels (matériels, bâtiment, terrain) ou incorporels (usagers ou clientèle) nécessaires à l’exploitation.

La reprise du personnel peut s’appliquer même lorsque le périmètre du nouveau marché ou de la délégation de service public présente des différences marginales avec celui de l’ancien marché ou DSP, sous réserve que l’objet principal du contrat, confié au nouveau titulaire, reste identique.

La convention collective peut prevoir la reprise du personnel

Outre l’article L.1224-1 précité, certaines conventions collectives prévoient expressément cette reprise du personnel.

C’est le cas de la convention collective nationale des entreprises de propreté, la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, ou la convention collective nationale des activités du déchet.

Mais, ce n’est pas le cas de la convention collective nationale Éducation, Culture, Loisirs et Animation au service des Territoires (ÉCLAT)).

reprise du personnel

La Collectivité publique a l'obligation de transmettre aux candidats certaines informations relatives à la reprise du personnel

En vertu des principes d’égalité de traitement, la Collectivité publique a l’obligation de communiquer les informations relatives au personnel à reprendre – et plus précisément le coût de la masse salariale – afin qu’ils puissent présenter une offre dans des conditions d’une égale concurrence, (et ce, indépendamment des obligations prévues ou non par une convention collective : CE, 7ème et 2ème SSR, 19 janvier 2011, n°340773).

Ces informations relatives au personnel à reprendre constituent un élément essentiel du marché, de sorte que la méconnaissance de cette obligation de communiquer à tous les candidats peut être constitutive d’un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence (CE, 7/10 SSR, 6 juin 1997, n°129437 ; CE, 7 / 10 SSR, 13 mars 1998, n°165238).

La communication de ces informations est nécessaire pour assurer l’égalité entre les candidats, sans que leur divulgation puisse être regardée comme constitutive d’une violation du secret des affaires.

En ce qui concerne ces informations, il n’existe aucune liste exhaustive prévue par des dispositions législatives ou réglementaires.

Néanmoins, notons que le Tribunal administratif de Paris a apporté des précisions sur les informations à communiquer aux candidats :

« Il incombait au pouvoir adjudicateur chargé de garantir l’égalité de traitement, afin de rétablir l’équilibre entre les « entrants » et les « sortants », de communiquer, non seulement les éléments essentiels et nécessaires à la présentation d’une offre satisfaisante, mais aussi, sous réserve du respect du secret des affaires, les informations privilégiées, seules détenues par les sortants, et susceptibles de leur donner un avantage décisif ; qu’au nombre de ces informations figurent notamment le nombre de salariés à reprendre (et non pas seulement leur équivalent temps plein), la nature des contrats à reprendre, les avantages dont disposent les personnels, leur expérience, leur ancienneté et leur qualification, ces éléments étant susceptibles de faire varier sensiblement la charge salariale qui constitue, dans ce type de marchés, une part prépondérante du budget d’exploitation ; que cette diffusion pouvait se faire sous forme d’une note technique jointe au règlement de la consultation pour chacun des marchés ; » (TA Paris, 29 juin 2009, n°0909822/6-1)

De même, le Tribunal administratif de Lyon juge, plus récemment, que :

« 8. En l’espèce, il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté, que la communauté d’agglomération du bassin de Bourg-en-Bresse a diffusé à l’ensemble des candidats un tableau mentionnant, pour chaque site, le nombre de salariés employés par l’ancien prestataire, le type de contrat, leurs expériences, anciennetés et qualifications, le coût de la masse salariale totale des personnes à reprendre, les divers avantages dont ils disposent, ainsi que des informations sur l’encadrement. Elle a ainsi fourni une information complète, sans manquer à ses obligations en matière de transparence. Alors qu’aucune disposition n’impose à l’acheteur de vérifier l’exactitude de ces informations ni de préciser aux candidats les conditions de mise en œuvre de cette obligation, la société requérante ne peut utilement mettre en cause la sincérité des données fournies, sans d’ailleurs apporter aucun élément probant à l’appui de ses allégations, ni faire état d’une ambiguïté dans les informations données sur le personnel d’encadrement, que n’impose pas de reprendre la convention collective, sans qu’elle ait d’ailleurs pu être induite en erreur sur ce point par les termes du cahier des clauses administratives particulières. Par suite, le moyen tiré du manquement aux obligations de publicité et mise en concurrence doit être écarté. » (TA Lyon, 11 octobre 2024, n°2409529)

À la lumière de cette jurisprudence, il appartient à la Collectivité de communiquer aux candidats :

  • le nombre de salariés à reprendre (temps plein et temps partiel),
  • la nature des contrats à reprendre,
  • les avantages dont disposent les personnels,
  • leur expérience,
  • leur ancienneté,
  • leur qualification,
  • le coût de la masse salariale,
  • les informations sur l’encadrement.

Le refus, pour le candidat sortant, de transmettre les informations liées à la reprise du personnel peut être fautif

Un opérateur économique peut engager sa responsabilité, vis-à-vis des candidats « entrants », en cas de refus de communication des informations liées à la masse salariale et à son coût.

En effet, la Chambre commerciale de la Cour de cassation juge, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que le candidat sortant, en ne communiquant pas les informations relatives à la masse salariale, et particulièrement à son évolution, fait obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence et commet une faute, susceptible d’entacher sa responsabilité, à l’égard du nouveau titulaire du contrat :

« alors que le titulaire d’un marché soumis à un appel d’offres en vue de son renouvellement et dont les contrats de travail liés à la réalisation de ce marché doivent être repris par l’attributaire, commet une faute en ne communiquant pas une information, telle que les évolutions prévues de la masse salariale concernée par l’obligation de reprise du personnel, essentielle à l’élaboration de leurs offres par les candidats et qu’il est seul à connaître, faisant ainsi obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence, la cour d’appel a violé le texte susvisé. » (Cass. Com., 11 janvier 2023, n°20-13.967)

Si vous avez des doutes ou des interrogations, en amont ou à l’occasion de la reprise du personnel, contactez votre Avocat.

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